Le golfe du Mexique est une ressource magnifique, une sorte de machine à produire des aliments sauvages hautement nutritifs. “Les pêcheries du golfe comptent parmi les plus productives du monde. La pêche commerciale des cinq Etats américains de cette région a pris en 2008 près de 590 000 tonnes de poissons et de crustacés, pour une valeur de 661 millions de dollars [502 millions d’euros]”, rappelle l’Agence de protection de l’environnement des Etats-Unis (EPA). Elle ajoute que le golfe du Mexique fournit 59 % de la production américaine d’huîtres et près des trois quarts des crevettes sauvages pêchées aux Etats-Unis. C’est un lieu de reproduction important pour un grand nombre d’espèces appréciées et menacées du globe, comme le thon rouge, le vivaneau ou la loche crasseuse.

Il serait sage de le protéger, de veiller à la santé de ses écosystèmes, de le laisser aux générations futures au moins aussi productif que nous l’avons trouvé. Avec le changement climatique et l’augmentation de la population, les sources de nourriture bon marché, qui nécessitent peu d’investissement et qui soient de bonne qualité, seront de plus en plus précieuses. Or, après l’explosion de la plate-forme Deepwater Horizon, le pétrole se déverse dans le golfe du Mexique au rythme de 800 000 litres par jour, à 1 500 mètres de profondeur.

Une zone morte de plus de 18 000 kilomètres carrés

A la surface, une nappe de pétrole de plus de 960 kilomètres de circonférence se dirige lentement vers les côtes, poussée par le vent. Il faut cependant rappeler que les forages pétroliers ne sont pas la seule activité humaine à mettre en péril cet écosystème vital. Chaque année, des millions de tonnes de nitrates et de phosphates provenant des exploitations agricoles du Midwest se retrouvent dans les cours d’eau qui se jettent dans le Mississippi. Le grand fleuve dépose ensuite ces produits agrochimiques dans le golfe, où ils provoquent une prolifération d’algues qui pompent tout l’oxygène et tuent la vie sous-marine sur une surface de plus de 18 000 kilomètres carrés.

Cette vaste zone morte a déjà eu des effets néfastes sur la pêche. Les algues sont alimentées en nutriments par la culture du maïs, le premier produit agricole des Etats-Unis. La moitié de la production de cette céréale se retrouve dans les élevages intensifs et nourrit vaches, poulets et cochons entassés dans des usines polluantes. Le boom de la production d’éthanol à partir de maïs, né de la demande du gouvernement ces dernières années, joue également un rôle. Il y a cinq ans, 13 % seulement de la production de maïs allaient dans les usines d’éthanol. Aujourd’hui, c’est un tiers de celle-ci et, d’ici à 2015, si le gouvernement persiste dans cette voie, ce sera la moitié. L’accroissement de la demande d’éthanol fait déjà payer un lourd tribut au golfe du Mexique. Ainsi, comme la marée noire, la zone morte doit en partie son existence à notre dépendance vis-à-vis de la voiture.

A cette époque de l’année, les engrais sont en train d’arriver dans le golfe et les algues commencent à peine à faire leur sale boulot. Mais voilà qu’aux dégâts habituels causés par l’agriculture s’ajoute ce qui s’annonce comme la plus grande marée noire qu’ait connue le pays. Au lieu de protéger le golfe du Mexique, il semble que nous soyons bien décidés à le détruire pour avoir de la viande et du carburant bon marché. Est-il trop tard pour changer de cap ?